1/ « Couple séparé / parents ensemble » : le juge tranchera….

 ETRE PARENTS ENSEMBLE APRES UNE SEPARATION :
– « la procédure judiciaire va résoudre tous nos problèmes… » 

Lors d’une séparation ou d’un divorce la place de la justice familiale est réelle et conséquente : en 2013 il y a eu pas moins de 380 376 saisines du Juge aux Affaires Familiales…
(Source www.justice.gouv.fr) 

Incontournable en cas de divorce, sur demande des personnes lors qu’elles sont « non mariées », la justice familiale peut avoir pour but d’officialiser et de définir de nouveaux repères alors que l’organisation familiale est mise à mal par la séparation conjugale. 

Pour répondre à cette demande la justice familiale
fait valoir 3 missions clairement définies  : 

– reconnaître les droits et les devoirs de chacun des parents de manière commune et équitable (exercice conjoint de l’autorité parentale),
– constater la nécessaire organisation parentale répondant à « quand et comment l’enfant est en relation avec chacun de ses 2 parents »
– accompagner la mise en place de solutions matérielles adaptées aux besoins de l’enfant et aux ressources des parents (contribution financière aux besoins de l’enfant).

Nos représentations intimes et personnelles de la justice familiale ne correspondent pas toujours à la réalité, elles sont investies par des besoins et des croyances qui sont propres à chacun. Je vous propose de découvrir certaines d’entres elles…

1/ Lorsque les personnes concernées envisagent que les décisions prises par un juge seront des solutions pour « tout ce qui nous met en difficulté et que nous n’arrivons pas à résoudre… On n’est pas d’accord donc le juge va trancher… »
Cette démarche souvent issue d’une initiative individuelle peut sous-entendre « on va voir qui de nous deux a raison, qui de nous deux va gagner »
A l’issue de l’audience le risque est alors de créer un processus « gagnant / perdant » qui peut être le début d’un cycle conflictuel basé sur une escalade « blessure/vengeance » ou d’un désengagement parental ( » j’ai tout perdu, à quoi ça sert »…)

2/ Quand les attentes des personnes renvoient à la représentation d’une « justice idéale, équitable et neutre » en phase avec une commande faite auprès d’un professionnel afin d’être défendu(e), conseillé(e) ou de faire valoir ses droits.
« Par la suite tout aura été défini, on n’aura plus qu’à suivre le jugement et on n’aura plus rien à se dire… »
A l’extrême, ce type de fonctionnement basé sur la protection (« se tenir à l’écart l’un de l’autre afin d’éviter le conflit ») peut amener à l’incapacité de décider ensemble pour l’enfant mais également à un manque de souplesse crucial quant aux aléas du quotidien.
Exemple : Tu es arrivé(e) avec une heure de retard… il est marqué dans le jugement que, de fait, tu as renonçé à tes droits d’hébergement pour ce WE… 

3/ Quand les besoins des institutions anticipent les besoins les personnes. On ne se sépare pas seulement « entre soi » mais devant la société et ses institutions (Caf, établissements scolaires, administration fiscale…). Ces institutions ayant leurs propres besoins, couples et famille sont invités à faire part des modalités de leur séparation et à faire état de leur organisation parentale.
– «Pour percevoir les allocations la Caf me demande d’établir une convention parentale validée par le juge et ce dans les 3 mois qui viennent » ou encore « nous n’étions pas marié(e)s et on m’a dit qu’il fallait un jugement »
Dans ce cas c’est l’aspect exclusivement factuel et « dés-investi » qui peut être source de fragilité : les accords mis en place peuvent manquer d’investissement personnel, de concertation et ne pas être en phase avec le deuil de la vie conjugale. Sans avoir pu faire ce travail de fond prenant en compte les besoins de chacun ils peuvent se révéler bien fragiles.

4/ Quand, dans l’inconscient collectif, la justice familiale est assimilée à une juridiction pénale qui traite, réprime, punit les infractions et les délits. « Il/elle doit être jugé(e) pour ce qu’il(elle) m’a fait ». Il est courant alors d’entendre parler de « procès », de « preuves », « d’attestations » et de « condamnation »… Notions en phase avec la densité extrême du conflit, des enjeux et des blessures personnelles. 

Bien sûr d’autres représentations existent et cet aperçu ne peut être exhaustif. 

« Regards » d’un médiateur familial

La séparation de deux personnes qui ont formé un couple est sans aucun doute « une complexité sensible »… cette complexité peut être accentuée lorsque le couple a fait « famille » et que les parents sont amenés à maintenir échanges, concertations et décisions commune pour le bien-être de l’enfant.
Il y a alors nécessité pour le bien-être de chacun d’un processus de transformation qui va, dans le temps, concrétiser l’indispensable mutation d’une relation conjugale/parentale en relation parentale.
Cela sous-entend : du temps, un cheminement (avec des avancées positives et des difficultés possibles), des décisions, des actes, des engagements personnels, un dispositif neutre et bienveillant ayant les compétences professionnelles adéquat…

En effet les « vécus personnels » au sein des couples et des familles sont en contact direct avec les ressentis les plus intimes de l’équilibre psychique de chacun. L’extrême importance des besoins investis dans la relation (être aimé, être reconnu, être en lien avec son enfant, être parent…), à laquelle s’ajoute la possible violence et soudaineté d’une crise, génèrent souvent une densité émotionnelle aux effets déstabilisants.
La confiance en l’Autre alors s’efface… et la peur et/ou la colère apparaissent.

Le dispositif de médiation familiale est là pour accompagner ces situations et les personnes qui le désirent. Il fait valoir des valeurs positives telles que la neutralité, la confidentialité, l’indépendance…
Basée sur un libre engagement, la médiation familiale invite les personnes concernées a être en contact avec leurs propres besoins mais aussi à pouvoir entendre les besoins de l’Autre afin de trouver des solutions constructives…

Ce travail difficile se définit parfois par cette invitation de François Roustang : «vous allez vous engager sur un chemin que vous ne connaissez pas… pour aboutir en un lieu que vous ignorez, en vu d’accomplir ce dont vous êtes incapable».

Issue de la concertation et d’une élaboration commune une démarche auprès de la justice familiale peut alors être envisagée (si besoin est) en préservant l’autonomie, en favorisant l’apaisement et la recherche de solutions positives.
La médiation familiale est en effet une démarche propice pour envisager des accords ou élaborer une convention parentale

En effet les situations conflictuelles peuvent devenir un imbroglio subtil auquel Marc Juston (Magistrat honoraire) fait référence : « Traiter le litige comme le fait le judiciaire ce n’est que traiter la surface des choses, c’est confondre le litige avec le conflit. La décision judiciaire n’éteint pas le conflit et c’est la poursuite du conflit qui va polluer l’exécution de la décision judiciaire… »

« Moins on se parle mieux c’est… » : couple séparé / parents ensemble »

ETRE PARENTS ENSEMBLE APRES UNE SEPARATION :
– «Pour éviter les conflits on a fait le choix de ne plus se parler »

Quelques semaines, quelques mois ou quelques années après une séparation, la « non-communication » et le silence peuvent s’installer entre deux parents.
Différentes causes peuvent en être envisagées :
– La difficulté : « On n’arrive pas à se parler. A chaque fois ça dégénère… alors on a arrêté d’essayer »
– L’incapacité : « cela s’est tellement mal passé entre nous, les blessures sont trop profondes, je n’ai plus rien à lui dire »
– Le choix conscient : « on est plus ensemble alors échanger un SMS de temps en temps c’est largement suffisant. »

« Regards » d’un médiateur familial

Exercer la profession de médiateur familial c’est aussi constater quotidiennement que « la communication positive entre ses parents est un point-clé du bien-être et de l’équilibre affectif de l’enfant… »

Cette communication est au coeur de la médiation familiale et elle se définit ainsi : « La médiation familiale est un processus tiers, de construction ou de reconstruction de liens, axé sur le rétablissement d’un dialogue apaisé, l’autonomie, la liberté et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation.

Communiquer entre parents après une séparation n’est pas une « évidence »… Cela relèverait plutôt d’un « difficile travail nécessaire » pouvant parfois sembler insurmontable mais qui une fois en place génère pour toutes les personnes concernées un sentiment de mieux être, d’apaisement et de sécurité.

Ce travail restaure la place de chacun des parents dans sa capacité « à répondre » aux besoins de leur enfant. Il sollicite une complémentarité positive. Il est le garant de l’équilibre affectif de l’enfant.

Se parler pour avancer …

A la recherche de la « bonne distance relationnelle »…

– Après une séparation si la « distance relationnelle » est trop proche entre les deux personnes qui ont « fait couple » l’un, l’autre ou les deux peuvent avoir l’impression de continuer à vivre la relation qui les a mis en difficulté.
Exemple : il (elle) me dit sans arrêt ce que je dois faire avec notre fille alors je ne répond plus et il (elle) s’énerve et ça dégénère…
– Si la « distance relationnelle » est trop grande cela peut signifier que plus aucune information concernant l’enfant n’est échangée entre les deux parents. Exemple : lorsque que je l’ai inscrit au foot j’ai appris qu’il faisait du rugby depuis 15 jours…
– La « bonne distance » existe… Elle est reconnaissable au fait qu’elle permet la communication sans faire vivre la relation conflictuelle.
Mais souvent cette distance n’est pas la même pour les 2 personnes.
Le travail à faire pour les parents séparés peut consister à définir ensemble ce qu’il est possible pour l’un(e) et pour l’autre : comment ?, quand ?, avec quels outils ? (agenda sur internet, cahier de liaison, SMS, organisation, discussion…). la Médiation Familiale est propice pour la réalisation de ce travail.

On croit ne plus communiquer entre parents mais en fait on communique « autrement » : par personnes et par situations interposées…

Deux parents qui ont fait le choix de ne plus se parler ou qui subissent cette situation communiquent TOUJOURS… mais plus de la même manière.
Cette communication a lieu désormais par personne(s) interposée(s) sans que nul(le) en maîtrise les tenants et les aboutissants.
Cette personne peut être un proche, un ami(e), un(e) professionnel(le) mais généralement c’est souvent l’enfant qui occupe cette place : « Maman, tu sais Papa il a dit que… » ou « Papa, tu sais chez maman… ». Le vécu de l’enfant et les décisions le concernant prises de manière unilatérale et réactionnelle deviennent alors des zones « floues » propices à la peur, à la mise en cause et au conflit.

Et si c’est trop difficile ?

– Les très grandes difficultés de communication peuvent être dues au fait que la séparation est (très) récente et que l’un, l’autre ou les deux parents ont besoin de temps pour se sentir prêt(e) à entreprendre cette « mutation relationnelle ».
– L’ampleur conséquente d’un conflit ou des échéances judiciaires peuvent également nuire à une communication apaisée. Le conflit ayant la particularité de figer le temps, les situations et les ressentis il peut créer l’illusion que les solutions doivent venir « d’ailleurs » et que d’ici-là seul l’affrontement ou le silence soit possible.
– Enfin la séparation conjugale ne fait pas disparaître les problématiques parentales et les contextes de post-séparation (recompositions familiales, adolescence, distance /déménagement…).

Médiation parent / adolescent

Médiation parent / adolescent

Les relations parent /adolescent dans les contextes de séparation…

En étant synonyme de transformation l’adolescence peut être aussi une période de remise en question pour les parents et les différents membres de la famille. Une perte de repères peut affecter alors les fonctionnements internes jusque là définis et mettre sous tension les capacités d’adaptation de chacun.
En France depuis les années 80 plus de 25 % de la population a entre 12 et 19 ans.

L’adolescence initiatrice de changements au sein de la famille

De la place de l’adolescent cette période est bien souvent troublante. En effet la mutation physiologique concernant les formes corporelles, la taille, le timbre de la voix, la force physique, la pilosité, la sexualité s’empare du vécu de l’adolescent(e)… Mais ce sont aussi la relation avec soi-même et avec l’Autre : les sentiments ressentis, les émotions envahissantes, le place au sein du groupe qui se modifient…
Tout cela devenant autant de vecteurs possible d’interrogations, de mal être ou de confiance en soi.
L’adolescent(e) est alors dans une adaptation permanente se traduisant parfois par des antagonismes : « dépendance/autonomie » « isolement/vie en groupe » « respect des règles / transgressions. »
Pour l’individu concerné ce parcours aura souvent la particularité de s’associer à une double séparation :
– avec le monde de l’enfance qui a été le sien
– avec les relations parentales telles qu’elles se sont construite dans sa prime jeunesse.
Par ailleurs le parent/adulte confronté à cette période de changement sera bien souvent en difficulté pour élaborer des échanges échappant au questionnement ou à l’injonction.
En cela l’adolescence invite au changement et à « être parent » autrement.

Particularités de l’adolescence dans un contexte de conflit / séparation parental

Le vécu de l’adolescent(e) de part les mutations physiologiques et les transformations relationnelles qu’il(elle) rencontre peut, en retour, générer un besoin de sécurité important.
La relation parentale et la vie familiale antérieures ont souvent été associées à une certaine stabilité voire à une protection bienveillante physique et affective. C’est bien souvent cela que l’adolescent va perdre lors de la séparation de ses parents.
Une insécurité matérielle :
Si 40 % des enfants changent de domicile lors d’une séparation parentale c’est aussi parce qu’une insécurité matérielle apparaît : père et mère étant bien souvent confronté à une baisse de leurs ressources. Cette insécurité a un impact bien réel sur le ressenti de la situation par l’adolescent.
Une pertes de confiance quant aux solutions parentales :
Lors d’un conflit parental l’adolescent peut ‘être en contact avec le fait qu’une entité décisionnaire extérieure apparaît au sein de sa famille désunie : la justice familiale. Faute de pouvoir se parler père et mère peuvent s’opposer en y faisant référence. Et, lui dis-t-on, c’est ce jugement qui sera le nouveau référent. Cet état de fait peut générer pour l’adolescent une perte de confiance dans la cellule familiale et dans sa capacité à concerter/décider.
Un malentendu quant à sa place et à son rôle :
Enfin on ne peut pas occulter que la séparation parentale peut investir l’adolescent(e) d’un rôle ou d’une place le mettant en difficulté. De manière consciente ou pas il peut devenir alors confident, allié, messager, arbitre ou roi de ses parents en panne de dialogue parental. A ceci près que contrairement à la petite enfance l’engagement manifesté peut aboutir à des positions radicales menant à des situations de blocages et de ruptures.

Médiation parent/adolescent : quand faut-il y penser ?

Une démarche en médiation familiale a souvent pour origine une situation de conflit, de d’intérêts divergents et/ou de souffrance. Les situations émanant des difficultés entre un parent et un(e) adolescent(e) ne déroge pas à ces causes mais ont la particularité de réunir deux personnes n’ayant pas la même place (parent/enfant). Dans un premier temps, le dispositif peut permettre à chacun de savoir « où il en est et où en est l’autre ».
Le cadre confidentiel et bienveillant peut alors favoriser l’engagement des personnes à rechercher des solutions afin de pouvoir envisager vécue une relation vécue de manière acceptable.